Le Parlement français vient de franchir une nouvelle étape forte contre la mode éphémère en durcissant la législation ciblant l'« ultra‑fast fashion ». Objectif annoncé : freiner la surproduction, limiter les déchets textiles et favoriser un modèle plus respectueux de l'environnement, tout en soutenant les marques engagées.
Un texte pionnier en marche
Adopté par le Sénat le 10 juin 2025 à une quasi-unanimité (337 voix pour, 1 contre), le projet de loi contre la « mode ultra-rapide » marque une étape décisive dans la lutte contre l'impact environnemental et social de la mode hyper-rapide. Ce texte, initié par l'Assemblée nationale en 2024, va désormais être examiné en commission mixte paritaire à l'automne, après notification à la Commission européenne.
Des mesures fortes pour les géants du low‑cost
Le projet de loi repose sur plusieurs mesures phares :
- Éco‑taxe progressive : dès 2025, chaque article d'ultra‑fast fashion sera surtaxé de 5 €, montant porté à 10 € en 2030, plafonné à 50 % du prix hors taxe.
- Interdiction de la publicité : toute promotion — y compris via les réseaux sociaux ou influenceurs — des acteurs ultra rapides comme Shein ou Temu sera interdite.
- Éco‑score et transparence : les produits doivent afficher leur empreinte carbone, consommation de ressources, recyclabilité, avec un système d'« éco‑score » qui conditionne la fiscalité.
- Suppression des avantages fiscaux : les déductions fiscales sur les revenus des géants étrangers sont supprimées, conformément aux amendements sénatoriaux.
Une double cible : protéger l'environnement et l'industrie locale
Le Sénat a distingué « ultra‑fast fashion » des enseignes classiques comme Zara ou Kiabi, principalement présentes en France, pour les préserver d'un encadrement trop sévère. L'objectif est de viser les plateformes ultra‑rapides étrangères sans pénaliser le prêt‑à‑porter local. Selon les acteurs de la filière, ce texte peut aussi renforcer l'industrie française durable en finançant des initiatives locales via les recettes de l'éco‑taxe.

Des critiques et enjeux à l'horizon
Si cette loi est saluée comme ambitieuse, elle suscite également des critiques : certains estiment que cette distinction entre « ultra » et « classique » pourrait affaiblir sa portée environnementale. Les associations redoutent que l'essentiel des enjeux — surproduction, exploitation des travailleurs, déchets — ne soit pas suffisamment ciblé.
Elle s'inscrit pourtant dans une continuité législative forte, suivante des lois antérieures comme la loi anti‑gaspillage de 2020 ou la loi Climat et résilience de 2021, qui avaient déjà introduit l'éco‑score, le bonus réparation et la fin de la destruction des invendus.
Un virage symbolique pour la mode
Cette réforme représente bien plus qu'un simple encadrement : elle marque un tournant dans la manière dont la mode est produite et consommée. En incitant à la durabilité, en limitant les pratiques agressives de consommation et en valorisant les producteurs responsables, la France tend à redessiner un secteur encore trop longtemps dominé par l'obsolescence programmée.
L'effet attendu ? Réduire la surconsommation, diminuer le gaspillage textile — sachant qu'en France, on jette actuellement 35 vêtements chaque seconde et, à terme, bâtir une mode plus respectueuse, tant pour l'environnement que pour les consommateurs.
Conclusion
Avec ce projet de loi, la France envoie un message clair : la mode jetable n'est plus tenable. En responsabilisant les marques ultra‑rapides et en soutenant la filière durable, elle pose les fondements d'un futur de la mode plus exigeante, plus éthique – et plus belle.